mardi 7 mars 2017

KOAT AR FEUNTEUN

KOAT ar FEUNTEUN
C’est un petit bois à quelques jets de pierres du hameau de Kernoble, après l’amorce d’une pente qui s’achève au ruisseau de Kervéré au fond du vallon. Il regarde le sud et échappe ainsi à la bise qui balaie parfois le plateau léonard. Il fait bon y faire halte par un après-midi ensoleillé d’hiver.
    Le talus qui le sépare du champ voisin suit un tracé capricieux, comme si son constructeur avait dû éviter ou voulu préserver quelque chose. L’emprise de ce bosquet est réputée avoir été habitée à une époque ancienne. En y regardant bien on peut discerner quelques maigres vestiges de murs sous les ronces et les feuilles mortes accumulées.
    En contrebas de ce petit bois se trouve l’extrémité très pentue d’une ancienne prairie de fauche. Elle avait bénéficié d’une irrigation, comme en témoignent les traces d’un bief en haut de la parcelle. A mi-pente une petite zone humide intrigue. Cette prairie avait cessé d’être fauchée depuis longtemps pour être pâturée. Plus tard, les ronces périphériques n’ont plus été maîtrisées et ont submergé une clôture électrique oubliée. Les vaches, puis les poneys, ont ensuite cessé d’y venir tondre des graminées de plus en plus hirsutes. Des touffes de jonquilles ont  alors fait leur apparition et égaillé les lieux pendant quelques années ; mais les ronces ont encore gagné.
    Le plan cadastral et  l’état des sections du 19è siècle apprennent que notre petit bois s’appelait ar Brouskoat ( le Bosquet ) et existait en l’état en 1840. Le champ voisin portait le toponyme révélateur de Park ar kozti ( Champ de la vieille maison ). A noter que le qualificatif koz est placé avant ti, ce qui indiquerait une certaine ancienneté par rapport au « ti koz » de la dernière période de création de toponymes bretons. Aucune présence de bâtiments n’apparaît sur le plan cadastral ; pourtant il existe dans les environs d’autres vestiges à peine décelables de constructions qui y figurent bien. Est-ce que cela confirme l’ancienneté de l’habitat ?
    Surprise ! La prairie abandonnée était un autre bois en 1840 et portait le nom évocateur de koat ar Feunteun ( Bois de la Fontaine ). La tache humide peut très bien être alors la dernière trace d’une fontaine tarie par manque d’entretien ou du fait d’une évolution de la nappe phréatique, ou encore volontairement obstruée. Etait-ce le point d’eau des anciens habitants du Brouscoat ? Tout ancien lieu habité possédait autrefois dans ses environs un point d’eau naturel et permanent. D’ailleurs, quelques champs plus en amont dans le vallon, une parcelle portait le nom de Park ar Feunteun ( Champ de la Fontaine ). Mais rien  dans ce champ ne rappelle l’existence d’une fontaine. Cependant une ancienne prairie, très dégradée, borde son extrémité. Et là, à force de patience et d’allées et venues, une petite cavité veut bien enfin se laisser découvrir. Elle a été sommairement aménagée, un filet d’eau s’en écoule pour rejoindre le ruisseau. Il y avait donc des gens qui vivaient à proximité et en avaient fait leur point d’approvisionnement en eau potable. En effet, nouvelle révélation de l’état des sections du cadastre napoléonien, une petite parcelle maintenant rayée de la carte au profit d’un champ spacieux porte le nom de Klaonti. Ce toponyme paraît obscur à première vue mais sa terminaison semble tout de même indiquer la présence ancienne d’une habitation. Vérification faite il marquerait le souvenir d’une maladrerie ( klaon signifiant malade ). Serait-ce  l’explication de la présence de ce point d’eau ?
    Notre Bois de la Fontaine pourrait quant à lui, et selon toute vraisemblance, avoir été défriché dans la seconde  partie du 19è siècle ; l’intérêt des prairies de fauche irriguées fut alors mis en évidence par les agronomes de l’époque pour l’élevage des bovins et des chevaux. Mais on peut envisager que lorsque les anciens occupants du Bosquet faisaient sans répit leur corvée d’eau, ni Brouskoat ni koat ar Feunteun n’était couvert de ramures.
    Peut être serez-vous intéressé d’apprendre que le Bois de la Fontaine est actuellement en phase active de reboisement naturel par l’effet de la succession végétale non contrariée.
   Il resterait à redonner vie à la fontaine oubliée. Les mânes des anciens habitants du Brouskoat en ont trop longtemps été privées…